Dépôt de l’état des créances : guide complet 2025

Dépôt de l’état des créances : guide complet 2025

Portrait de Maître Angélique FACCHINI, avocat
Par Maître Angélique FACCHINI, Avocat
Mis à jour le 08/12/2025 • 17 min de lecture
 

📌 Dépôt de l’état des créances : l’essentiel en 30 secondes

❓ Qu’est-ce que c’est ?

Document officiel recensant toutes les créances déclarées dans une procédure collective, établi par le mandataire judiciaire et validé par le juge-commissaire.
Il fixe le passif opposable de l’entreprise en difficulté.

⏰ Délai impératif pour les créanciers

2 mois après publication au BODACC pour déclarer votre créance.
4 mois si vous êtes domicilié hors France métropolitaine.
⚠️ Absence de déclaration = forclusion = perte définitive des droits.

📋 Conséquences du dépôt

  • Passif figé servant de base au plan de sauvegarde ou redressement judiciaire,
  • Publication obligatoire ouvrant un délai de réclamation d’1 mois pour les tiers,
  • Le débiteur ne peut pas contester l’état des créances (jurisprudence 2024).

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Lorsqu’une entreprise entre en procédure collective, l’organisation du passif devient un enjeu majeur pour l’ensemble des créanciers.

Le dépôt de l’état des créances constitue l’étape décisive où le passif vérifié devient opposable aux parties.

Ce document, établi par le mandataire judiciaire après vérification minutieuse, recense l’intégralité des créances admises par le juge-commissaire et fixe définitivement les montants exigibles.

Avec plus de 65 000 procédures collectives ouvertes en France en 2025, comprendre les mécanismes du dépôt de l’état des créances permet aux créanciers de préserver leurs droits et d’optimiser leurs chances de recouvrement.

Ce guide exhaustif détaille l’ensemble de la procédure :

  • Les étapes préalables au dépôt,
  • Le processus de vérification,
  • Les conséquences juridiques,
  • Les voies de recours disponibles.


I. Qu’est-ce que l’état des créances ?

 

1. Définition et fonction juridique

L’état des créances constitue un inventaire officiel du passif d’une entreprise placée en procédure collective.

Ce document dépasse la simple liste comptable pour devenir un acte juridique à force probante.

Il recense exhaustivement l’ensemble des créances déclarées par les créanciers et intègre les décisions rendues par le juge-commissaire sur chacune d’entre elles.

La fonction première de ce document consiste à figer le passif opposable de l’entreprise à une date déterminée.

Cette cristallisation permet d’organiser un traitement équitable des créanciers dans le cadre de la procédure collective.

L’état des créances se distingue fondamentalement de la déclaration de créances :

  • La déclaration constitue l’acte individuel par lequel chaque créancier revendique sa créance,
  • L’état des créances représente la synthèse vérifiée et validée de l’ensemble de ces déclarations.
 

2. Les acteurs impliqués

La procédure mobilise quatre catégories d’intervenants aux rôles distincts.

Le mandataire judiciaire occupe une position centrale.

Désigné par le tribunal, il centralise l’ensemble des déclarations de créances, procède à leur vérification et propose au juge-commissaire l’admission ou le rejet de chaque créance.

Dans le cas d’une liquidation judiciaire, c’est le liquidateur qui assume cette fonction.

Le juge-commissaire détient le pouvoir décisionnel exclusif.

Magistrat spécialement désigné au sein du tribunal de commerce ou du tribunal judiciaire, il statue sur chaque créance après examen des propositions du mandataire et des observations du débiteur.

Ses décisions sont formalisées par ordonnances.

Les créanciers constituent la troisième catégorie d’acteurs.

Ils doivent accomplir les démarches de déclaration dans les délais impartis pour voir leurs créances inscrites au passif.

Le débiteur, enfin, conserve un droit d’observation sur chaque créance déclarée.

Il peut contester l’existence, le montant ou la nature d’une créance lors de la phase de vérification.

 

3. Cadre légal et références

Le dépôt de l’état des créances s’inscrit dans le cadre du Livre VI du Code de commerce relatif aux entreprises en difficulté.

L’article L. 622-24 du Code de commerce régit les modalités de vérification des créances.

Les articles R. 622-21 à R. 622-26 du Code de commerce précisent les aspects procéduraux de la déclaration et de la vérification.

L’article R. 624-8 alinéa 4 du Code de commerce encadre spécifiquement les modalités de réclamation contre l’état des créances.

Ce texte dispose que tout intéressé peut présenter une réclamation devant le juge-commissaire dans le délai d’un mois à compter de la publication de l’état des créances.

La publicité de l’état des créances obéit à des règles strictes.

Une fois déposé au greffe du tribunal, le document devient consultable par tout tiers intéressé.

Cette transparence constitue un principe fondamental des procédures collectives.

L’état des créances revêt une force probante particulière.

Les montants admis deviennent opposables aux parties et servent de base incontestable pour l’élaboration du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

II. Avant le dépôt : la déclaration des créances

 

1. L’obligation de déclaration de créances

La déclaration de créances constitue une démarche impérative pour tout créancier souhaitant faire valoir ses droits dans le cadre d’une procédure collective.

Cette obligation vise exclusivement les créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective.

Le jugement d’ouverture intervient suite à la déclaration de cessation des paiements de l’entreprise débitrice ou suite à l’assignation en redressement ou liquidation judiciaire de l’entreprise débitrice par un tiers.

Les créances postérieures suivent un régime juridique distinct.

Le créancier doit adresser sa déclaration au mandataire judiciaire désigné par le tribunal.

Les coordonnées de ce professionnel figurent dans le jugement d’ouverture publié au BODACC.

La déclaration doit comporter plusieurs mentions obligatoires :

  • L’identité complète du créancier,
  • Le montant précis de la créance en principal,
  • Les intérêts échus avec indication des modalités de calcul,
  • La nature de la créance,
  • L’existence éventuelle d’une sûreté.

Les documents justificatifs constituent un élément déterminant.

Le créancier doit joindre l’ensemble des pièces probantes :

  • Factures,
  • Bons de commande,
  • Contrats,
  • Échanges de correspondance,
  • Preuves de livraison ou d’exécution.

L’absence ou l’insuffisance de justificatifs peut motiver le rejet de la créance.

 

2. Les délais impératifs pour déclarer une créance

Le respect des délais de déclaration conditionne la recevabilité de la créance.

Le législateur a instauré des règles strictes variant selon la situation géographique du créancier.

 
📌 Situation du créancier⏳ Délai🕒 Point de départ
🇫🇷 Créanciers domiciliés en France métropolitaine2 moisPublication du jugement au BODACC
🌍 Créanciers domiciliés hors France métropolitaine (DOM-TOM, étranger)4 moisPublication du jugement au BODACC
🛡️ Créanciers titulaires d’une sûreté publiée2 moisNotification personnelle par le mandataire judiciaire
🧾 Tiers intéressés souhaitant contester l’état des créances1 moisPublication de l’état des créances au BODACC
⛔ Créancier forclos (relevé de forclusion)6 mois pour demander le relevé de forclusionJugement d’ouverture de la procédure collective

💬 À noter : En cas de relevé de forclusion accordé, le créancier dispose ensuite de 1 mois supplémentaire pour régulariser sa déclaration.

Ces délais revêtent un caractère d’ordre public.

Leur expiration entraîne automatiquement la forclusion, privant définitivement le créancier de la possibilité d’obtenir le paiement de sa créance dans le cadre de la procédure collective.

 

3. La forclusion et le relevé de forclusion

La forclusion constitue la sanction du défaut de déclaration dans les délais.

Le créancier forclos perd tout droit de participer aux répartitions et distributions organisées dans le cadre de la procédure.

Cette déchéance présente toutefois des limites.

Elle ne fait pas disparaître la créance elle-même, mais empêche seulement son inscription au passif de la procédure collective.

Le législateur a prévu une procédure de la dernière chance : le relevé de forclusion.

Le créancier forclos peut saisir le juge-commissaire pour solliciter l’autorisation de déclarer sa créance hors délai.

Cette demande doit être présentée dans un délai maximal de six mois à compter du jugement d’ouverture de la procédure.

Le relevé de forclusion n’est accordé que si le créancier justifie que le retard ne lui est pas imputable.

Les motifs admis incluent notamment :

  • L’absence de connaissance du jugement d’ouverture malgré une diligence normale,
  • Une erreur du mandataire judiciaire dans la notification,
  • Un cas de force majeure.

Si le juge-commissaire accorde le relevé, le créancier dispose d’un nouveau délai d’un mois pour régulariser sa déclaration.

 

🧭 Les 4 étapes du traitement des créances

De la déclaration à la décision finale du juge-commissaire :

1
📤
Déclaration

Par le créancier
Délai : 2 mois
Au mandataire judiciaire

2
🕵️‍♂️
Vérification

Par le mandataire
Examen justificatifs
Observations débiteur

3
⚖️
Décision

Par le juge-commissaire
Admission / Rejet
Ordonnances motivées

4
🗃️
Dépôt officiel

Au greffe
Publication BODACC
Passif opposable

⏱️ Durée totale : 3 à 6 mois selon complexité

💡 Délai critique : 2 mois pour déclarer dès publication BODACC

 

III. La vérification par le mandataire judiciaire

 

1. Le processus de vérification

La phase de vérification constitue le cœur de la procédure d’établissement de l’état des créances.

Le mandataire judiciaire procède à un examen méthodique de chaque déclaration reçue.

Ce contrôle ne se limite pas à une simple vérification formelle.

Le mandataire confronte systématiquement chaque créance déclarée avec la comptabilité de l’entreprise débitrice.

Il consulte les livres comptables, les facturiers, les relevés bancaires et tout document susceptible de confirmer ou d’infirmer l’existence et le montant de la créance.

Lorsque les pièces justificatives fournies par le créancier apparaissent insuffisantes, le mandataire peut solliciter des compléments d’information.

Cette demande doit être satisfaite dans un délai raisonnable, sous peine de rejet de la créance pour défaut de preuve.

Le débiteur joue un rôle actif dans cette phase.

Le mandataire lui transmet la liste exhaustive des créances déclarées.

L’entreprise doit formuler des observations écrites sur chacune d’entre elles dans le délai imparti.

Ces observations éclairent le mandataire sur d’éventuelles contestations :

  • Créance déjà réglée,
  • Montant erroné,
  • Prestation non exécutée,
  • Facturation indue.
 

2. Les propositions formulées au juge-commissaire

À l’issue de la vérification, le mandataire judiciaire établit un document de synthèse présentant ses propositions pour chaque créance.

Ce travail ne confère aucun pouvoir décisionnel au mandataire.

Seul le juge-commissaire détient la compétence pour statuer.

Les propositions du mandataire se répartissent en quatre catégories distinctes :

 

1. Proposition d’admission

Intervient lorsque la créance apparaît justifiée tant dans son principe que dans son montant.

L’admission peut être totale ou partielle si une partie seulement de la créance est établie.

 

2. Proposition de rejet

Vise les créances contestées ou insuffisamment prouvées.

Les motifs de rejet incluent :

  • L’absence de justificatifs probants,
  • La contestation fondée du débiteur,
  • L’existence d’une compensation ou d’une prescription.
 

3. Constat d’une instance en cours

S’applique lorsqu’un litige préexistant oppose le créancier et le débiteur devant une juridiction.

Le mandataire ne peut alors formuler de proposition sur le bien-fondé de la créance.

Le juge-commissaire ordonne le renvoi de l’affaire jusqu’à ce que la juridiction saisie statue.

 

4. Constat d’incompétence

Intervient lorsque la nature du litige relève d’une autre juridiction.

Le créancier doit alors saisir la juridiction compétente.

 

3. Le rôle déterminant des observations du débiteur

L’entreprise débitrice conserve un droit essentiel de défense dans la phase de vérification.

Le mandataire judiciaire lui communique l’intégralité des créances déclarées.

Cette communication s’effectue dans un délai permettant au débiteur de préparer ses observations.

Les observations écrites du débiteur doivent être circonstanciées.

Une contestation générale ou imprécise n’est pas recevable.

L’entreprise doit indiquer, pour chaque créance contestée, les motifs précis de sa contestation et fournir les éléments de preuve correspondants.

Ces observations influencent directement les propositions du mandataire.

Un débiteur qui reste silencieux ou qui valide l’ensemble des créances déclarées facilite grandement le travail de vérification.

À l’inverse, des contestations fondées permettent d’écarter des créances injustifiées et de réduire le passif exigible.

IV. Le dépôt officiel et la publication

 

1. Composition de l’état des créances

L’état des créances se présente sous la forme d’un document structuré recensant l’ensemble des informations relatives à chaque créance.

Ce document compile plusieurs catégories de données.

 
📌 Informations📝 Détail
👤 Identité du créancierNom ou raison sociale, adresse complète, forme juridique
💰 Montant déclaréSomme totale réclamée (principal + intérêts + frais éventuels)
🏷️ Nature de la créanceChirographaire, privilégiée, salariale – avec ou sans garanties ou sûretés
📄 Proposition du mandataire✅ Admission totale ou partielle
❌ Rejet (créance non fondée ou non prouvée)
⚖️ Instance en cours (litige pendant)
🚫 Incompétence (renvoi à une autre juridiction)
🧑‍⚖️ Décision du juge-commissaireOrdonnance d’admission ou de rejet, avec montant fixé officiellement
📊 Montant définitif admisSomme reconnue comme dette certaine et inscrite au passif exigible

L’état des créances intègre également le relevé des créances salariales.

Ce relevé suit un circuit de vérification spécifique en raison du statut privilégié des salariés.

Le mandataire établit ce relevé avec le concours du débiteur, sans que les salariés aient à effectuer de déclaration individuelle.

 

2. Le dépôt au greffe

Une fois l’ensemble des décisions du juge-commissaire rendues, le mandataire judiciaire procède au dépôt matériel de l’état des créances.

Ce dépôt s’effectue au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal judiciaire ayant ouvert la procédure.

L’acte de dépôt revêt une portée juridique majeure.

Il marque le passage d’un document de travail à un acte officiel doté d’une force probante.

À compter du dépôt, l’état des créances devient opposable aux parties.

Le passif de l’entreprise est considéré comme définitivement arrêté, sous réserve des recours éventuels.

Le dépôt au greffe rend l’état des créances consultable par toute personne intéressée.

Cette publicité passive constitue une première forme de transparence.

Les créanciers, les partenaires commerciaux, les éventuels repreneurs (candidats à la reprise d’entreprise en liquidation judiciaire par exemple) peuvent prendre connaissance de l’état exact du passif de l’entreprise.

 

3. La publication au BODACC

Le dépôt au greffe déclenche une obligation de publicité active.

Le greffier du tribunal procède à l’insertion d’un avis au BODACC (Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales).

Cette publication officielle constitue un acte déterminant de la procédure.

L’avis publié au BODACC mentionne :

  • La date du dépôt de l’état des créances au greffe,
  • La possibilité pour tout intéressé de consulter ce document,
  • Le point de départ du délai d’un mois ouvert aux tiers pour former une réclamation.

Cette publicité garantit l’effectivité des droits de la défense.

Aucun tiers ne peut prétendre ignorer l’existence de l’état des créances après sa publication au BODACC.

Le délai de réclamation court à compter de cette publication, indépendamment de la connaissance effective qu’en a pu avoir chaque intéressé.

La publication au BODACC produit des effets juridiques immédiats :

  • Elle fige le passif opposable,
  • Elle ouvre la voie à l’élaboration du plan de sauvegarde ou de redressement,
  • Les créanciers dont les créances ont été admises peuvent désormais participer aux comités de créanciers.

V. Les décisions du juge-commissaire

 

1. Les pouvoirs juridictionnels

Le juge-commissaire détient une compétence exclusive pour statuer sur l’admission ou le rejet des créances.

Ce magistrat, spécialement désigné au sein du tribunal de commerce ou du tribunal judiciaire, exerce une fonction juridictionnelle à part entière.

Ses décisions revêtent la forme d’ordonnances motivées.

Ces ordonnances constituent des actes juridictionnels susceptibles de recours selon les voies prévues par le Code de commerce.

Le juge-commissaire n’est pas lié par les propositions du mandataire judiciaire.

Il peut s’en écarter et statuer différemment après examen des pièces du dossier.

Cette indépendance garantit l’impartialité des décisions.

La compétence du juge-commissaire présente toutefois des limites.

Il ne peut trancher les contestations sérieuses relevant d’une autre juridiction.

Dans ce cas, il ordonne le renvoi de l’affaire devant la juridiction compétente et sursoit à statuer jusqu’à ce qu’une décision définitive intervienne.

 

2. Les audiences contradictoires

Lorsqu’une créance fait l’objet d’une contestation sérieuse, le juge-commissaire convoque les parties à une audience.

Cette convocation intervient obligatoirement pour respecter le principe du contradictoire.

Sont convoqués :

  • Le créancier concerné,
  • Le débiteur,
  • Le mandataire judiciaire.

L’audience permet à chaque partie d’exposer sa position.

Le créancier présente les éléments justifiant l’existence et le montant de sa créance.

Le débiteur ou le mandataire développe les motifs de la contestation.

Le juge-commissaire peut poser toute question utile et solliciter des éclaircissements.

Les débats lors de l’audience portent sur des questions de fait et de droit.

Le créancier peut produire des pièces complémentaires.

Le débiteur peut opposer des moyens de défense :

  • Paiement antérieur,
  • Compensation,
  • Exception d’inexécution.

À l’issue de l’audience, le juge-commissaire rend sa décision.

Cette décision peut intervenir immédiatement en audience ou être mise en délibéré pour permettre au magistrat d’analyser plus en profondeur les arguments échangés.

 

3. Notification et effets des décisions

Les ordonnances du juge-commissaire font l’objet d’une notification aux parties.

Cette notification s’effectue par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie de signification d’huissier.

Le greffe du tribunal adresse la notification dans un délai de huit jours suivant la décision.

Les destinataires de la notification sont :

  • Le créancier concerné,
  • Le débiteur,
  • Le mandataire judiciaire.

Cette notification revêt une importance capitale car elle fait courir le délai de recours.

Une créance admise produit des effets juridiques immédiats :

  • Elle s’inscrit définitivement au passif exigible de l’entreprise,
  • Le créancier acquiert le droit de participer aux répartitions,
  • Il peut voter sur le plan de sauvegarde ou de redressement proposé.

Une créance rejetée est définitivement écartée de la procédure collective.

Le créancier ne peut plus revendiquer son paiement dans le cadre de cette procédure.

Il conserve toutefois la possibilité d’agir en dehors de la procédure dans des cas très limités.

VI. Recours et contestations

 

1. La réclamation des tiers intéressés

L’article R. 624-8 alinéa 4 du Code de commerce ouvre aux tiers intéressés la faculté de former une réclamation contre l’état des créances.

Cette réclamation doit être présentée dans le délai d’un mois à compter de la publication de l’état des créances au BODACC.

La notion de tiers intéressé mérite une attention particulière.

Sont considérés comme tiers intéressés :

  • Les créanciers dont la créance a été rejetée,
  • Les créanciers admis pour un montant inférieur à celui déclaré,
  • Les créanciers qui contestent l’admission d’une créance concurrente susceptible d’affecter leurs propres droits.

⚠️ Précision jurisprudentielle majeure ⚠️

La Cour de cassation a confirmé le 23 mai 2024 (arrêt n° 23-12.126) qu’une entreprise débitrice sous plan de sauvegarde ne peut pas former de réclamation contre l’état des créances sur lequel a été portée une décision la condamnant à payer une créance salariale antérieure.

Seuls les tiers intéressés au sens de l’article R. 624-8 alinéa 4 du Code de commerce disposent de cette faculté.

Le débiteur en procédure collective est expressément exclu de la qualité de tiers intéressé, conformément à l’article L. 625-6 du Code de commerce.

La réclamation doit être dirigée contre une décision précise du juge-commissaire.

Elle ne peut viser l’ensemble de l’état des créances mais doit identifier la ou les créances contestées.

Le réclamant doit exposer les motifs de sa contestation et produire les pièces justificatives.

Le juge-commissaire examine la réclamation et convoque les parties à une audience.

Il statue par ordonnance motivée qui se substitue à la décision initiale.

 

2. L’appel devant la Cour d’appel

Les décisions du juge-commissaire rendues sur réclamation peuvent faire l’objet d’un appel.

Ce recours s’exerce devant la chambre commerciale de la Cour d’appel dans le ressort de laquelle se situe le tribunal.

Le délai d’appel est de dix jours à compter de la notification de l’ordonnance du juge-commissaire.

Ce délai court à l’égard de chaque partie à compter de la notification qui lui est personnellement adressée.

L’appel doit être formé par voie de déclaration au greffe de la Cour d’appel.

La déclaration mentionne :

  • L’ordonnance attaquée,
  • Les moyens invoqués.

L’appel n’a pas d’effet suspensif sauf décision contraire du premier président de la Cour d’appel saisi en référé.

La Cour d’appel statue après avoir entendu les parties ou leurs représentants.

Elle dispose des mêmes pouvoirs que le juge-commissaire et peut réformer ou confirmer la décision attaquée.

L’arrêt de la Cour d’appel fixe définitivement le sort de la créance contestée.

 

3. Le cas particulier des créances salariales

Les créances salariales bénéficient d’un traitement spécifique dans le cadre des procédures collectives.

Ces créances résultent des contrats de travail et comprennent :

  • Les salaires,
  • Les indemnités de rupture,
  • Les congés payés,
  • Les avantages en nature.

Les salariés ne sont pas tenus d’effectuer une déclaration de créances.

Le mandataire judiciaire établit d’office un relevé des créances salariales avec le concours du débiteur.

Ce relevé est soumis au visa du juge-commissaire qui en vérifie la conformité.

Les créances salariales jouissent d’un superprivilège leur garantissant un paiement prioritaire.

L’article L. 3253-2 du Code du travail confère aux salaires un rang de privilège supérieur à tous les autres privilèges généraux ou spéciaux.

Le pouvoir du juge-commissaire sur les créances salariales se trouve limité par l’article L. 625-6 du Code de commerce.

Le juge ne dispose d’aucun pouvoir juridictionnel pour admettre ou rejeter les créances salariales.

Son rôle se borne à viser le relevé établi par le mandataire.

En cas de contestation sur une créance salariale, la compétence appartient au conseil de prud’hommes.

Le juge-commissaire doit renvoyer les parties devant cette juridiction spécialisée.

Les créances salariales admises sont prises en charge par l’AGS (Assurance de Garantie des Salaires) dans les limites fixées par la loi.

Cette garantie assure aux salariés le paiement effectif de leurs créances même en cas d’insuffisance d’actif.

VII. Conséquences de l’état des créances

 

1. Pour l’élaboration du plan

L’état des créances définitif constitue la base de calcul incontournable pour l’élaboration du plan de sauvegarde ou de redressement.

Le passif opposable qui y est inscrit détermine les montants que l’entreprise devra rembourser.

Le plan proposé par l’administrateur judiciaire ou le débiteur fixe les modalités de règlement des créances admises.

Ces modalités peuvent comporter :

  • Des délais de paiement échelonnés sur une durée maximale de dix ans,
  • Des remises de dettes consenties par les créanciers.

Les remises nécessitent l’accord des créanciers concernés ou leur validation par le tribunal selon les cas.

Les créanciers votent sur le plan proposé en fonction du montant de leurs créances admises.

Un créancier dont la créance a été rejetée ne dispose d’aucun droit de vote.

Le plan adopté lie l’ensemble des créanciers.

Les créances admises ne peuvent faire l’objet de poursuites individuelles pendant l’exécution du plan.

Le respect des échéances prévues conditionne la réussite de la procédure.

 

2. En liquidation judiciaire

Lorsque la procédure débouche sur une liquidation judiciaire, l’état des créances détermine l’ordre et les modalités de répartition de l’actif.

Le liquidateur procède à la vente des biens de l’entreprise et constitue une masse d’actifs disponibles pour le paiement des créanciers.

La répartition s’effectue selon un ordre de priorité strict établi par la loi :

  • 1er rang : Créances salariales (superprivilège),
  • 2ème rang : Frais de justice et créances postérieures nécessaires à la procédure,
  • 3ème rang : Créanciers privilégiés selon le rang de leur privilège,
  • 4ème rang : Créanciers chirographaires (au marc le franc si actif insuffisant).

Le taux de recouvrement des créances chirographaires en liquidation judiciaire demeure généralement très faible.

Les statistiques montrent qu’il excède rarement dix pour cent du montant admis.

Les créances non réglées en totalité sont éteintes à l’égard de la personne morale dissoute.

En revanche, les créanciers peuvent poursuivre le dirigeant s’il s’est personnellement porté caution, ou si une action en responsabilité pour insuffisance d’actif (comblement de passif) est engagée et aboutit à sa condamnation.

La faillite personnelle, qui peut être prononcée en cas de manquements graves du dirigeant, n’ouvre pas en elle-même un droit direct de poursuite des créanciers, mais elle peut accompagner ou précéder des mesures permettant d’engager sa responsabilité.

 

3. Effets sur la poursuite d’activité

La constitution de l’état des créances produit des effets sur la poursuite de l’activité de l’entreprise.

La transparence qu’il apporte sur l’état réel du passif permet aux partenaires commerciaux d’évaluer la viabilité de l’entreprise.

Les fournisseurs peuvent décider de maintenir ou de suspendre leurs livraisons en fonction de l’importance du passif et des perspectives de redressement.

Les clients peuvent s’interroger sur la capacité de l’entreprise à honorer ses engagements futurs.

Les établissements bancaires fondent leurs décisions d’accompagnement sur l’analyse de l’état des créances.

Un passif maîtrisé et un plan réaliste favorisent l’obtention de nouveaux crédits nécessaires à la poursuite d’activité.

Pour l’entreprise elle-même, l’état des créances marque une étape psychologique importante.

La fixation définitive du passif permet de tourner la page des incertitudes et de se concentrer sur la mise en œuvre du plan de redressement.

VIII. Bonnes pratiques pour les créanciers

 

La préservation des droits dans le cadre d’une procédure collective exige une vigilance constante et le respect de démarches précises.

Les créanciers qui adoptent une attitude proactive maximisent leurs chances de recouvrement.

 

1. Surveiller la publication au BODACC

La consultation régulière du BODACC permet de détecter rapidement l’ouverture d’une procédure collective concernant un débiteur.

Cette surveillance peut s’effectuer :

  • Par des recherches manuelles sur le site officiel,
  • Par la mise en place d’alertes automatiques.
 

2. Rassembler les justificatifs dès l’ouverture de la procédure

Dès la connaissance du jugement d’ouverture, le créancier doit constituer un dossier complet comprenant l’ensemble des pièces justificatives :

  • Factures,
  • Bons de commande,
  • Contrats,
  • Échanges de correspondance,
  • Preuves de livraison,
  • Conditions générales de vente.
 

3. Déclarer sa créance sans attendre

Le créancier ne doit pas attendre les derniers jours du délai de deux mois pour effectuer sa déclaration.

Une déclaration précoce permet de pallier d’éventuelles difficultés techniques ou de compléter le dossier si le mandataire sollicite des pièces supplémentaires.

 

4. Qualifier correctement sa créance

La déclaration doit préciser la nature de la créance et l’existence d’éventuelles sûretés.

Une créance assortie d’un privilège ou d’une garantie doit être déclarée comme telle avec indication précise de la sûreté.

Cette qualification détermine le rang de paiement et peut influer significativement sur le taux de recouvrement.

 

5. Répondre aux demandes du mandataire

Le mandataire judiciaire peut solliciter des pièces complémentaires ou des éclaircissements sur la créance déclarée.

Ces demandes doivent être satisfaites dans les meilleurs délais avec le souci de fournir des éléments précis et convaincants.

 

6. Vérifier l’état des créances déposé

Dès la publication de l’avis de dépôt au BODACC, le créancier doit consulter l’état des créances au greffe du tribunal.

Cette vérification permet de contrôler que la créance a été correctement admise et que le montant inscrit correspond à la déclaration.

 

7. Agir rapidement en cas d’erreur ou de rejet

Si la créance est rejetée ou admise pour un montant inférieur, le créancier dispose d’un délai d’un mois pour former une réclamation.

Cette réclamation doit être motivée et accompagnée de toute pièce utile démontrant le bien-fondé de la créance.

 

8. Se faire assister par un professionnel

Pour les créances d’un montant significatif ou présentant une complexité juridique, l’assistance d’un avocat spécialisé en procédures collectives constitue un investissement pertinent.

Ce professionnel maîtrise les subtilités procédurales et peut optimiser les chances d’admission de la créance.

IX. FAQ : Questions fréquentes sur le dépôt de l’état des créances

 

1. Quelle différence entre déclaration de créances et dépôt de l’état des créances ?

La déclaration de créances constitue l’acte individuel par lequel chaque créancier revendique sa créance auprès du mandataire judiciaire.

Le dépôt de l’état des créances représente l’acte du mandataire qui formalise la liste vérifiée de toutes les créances après décision du juge-commissaire.

La déclaration intervient dans les deux mois suivant la publication du jugement au BODACC.

Le dépôt intervient postérieurement, après la phase de vérification et les décisions du juge-commissaire sur chaque créance.

 

2. Comment savoir si ma créance a été admise ?

Le créancier peut consulter l’état des créances déposé au greffe du tribunal après publication de l’avis au BODACC.

Ce document mentionne l’ensemble des créances admises avec leur montant.

Le juge-commissaire notifie également sa décision individuellement à chaque créancier dans un délai de huit jours suivant l’ordonnance.

Cette notification s’effectue par lettre recommandée avec accusé de réception.

 

3. Que faire si je n’ai pas déclaré ma créance dans les délais ?

Le créancier qui n’a pas déclaré sa créance dans le délai de deux mois peut solliciter un relevé de forclusion auprès du juge-commissaire.

Cette demande doit être présentée dans un délai maximal de six mois à compter du jugement d’ouverture.

Le créancier doit justifier que le retard ne lui est pas imputable.

Si le relevé est accordé, un nouveau délai d’un mois est ouvert pour régulariser la déclaration.

 

4. Un débiteur peut-il contester l’état des créances ?

Non, le débiteur en procédure collective ne peut pas former de réclamation contre l’état des créances.

La Cour de cassation a confirmé cette règle par un arrêt du 23 mai 2024.

Seuls les tiers intéressés au sens de l’article R. 624-8 alinéa 4 du Code de commerce disposent de cette faculté.

Le débiteur peut toutefois formuler des observations lors de la phase de vérification avant les décisions du juge-commissaire.

 

5. Les créances salariales suivent-elles la même procédure ?

Les créances salariales font l’objet d’un traitement distinct.

Les salariés ne sont pas tenus d’effectuer une déclaration de créances.

Le mandataire judiciaire établit d’office un relevé des créances salariales avec le concours du débiteur.

Ces créances bénéficient d’un superprivilège leur garantissant un paiement prioritaire par l’AGS.

 
 
 

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