Liquidation judiciaire : quelles sanctions du dirigeant ?

Liquidation judiciaire : quelles sanctions du dirigeant ?

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La procédure de liquidation judiciaire constitue une véritable épreuve pour le dirigeant.

Cette procédure sonne la cessation d’activité de leur entreprise et sa disparition.

L’impact psychologique est important.

Les poursuites engagées en vue de sanctions à l’encontre d’un dirigeant du fait de sa négligence ou d’une faute de gestion sont parfois le coup de massue supplémentaire.

Les sanctions sont lourdes et peuvent très fortement impacter l’avenir professionnel et personnel du dirigeant.

En effet, lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une liquidation judiciaire, les agissements du dirigeant peuvent être analysés afin de savoir s’il a contribué aux difficultés insurmontables rencontrées.

Quelles sont les sanctions encourues par le dirigeant lors d’une liquidation judiciaire ?

Comment se défendre lorsqu’on est assigné devant le Tribunal de commerce aux fins de sanction après avoir liquidé sa société ?

Comment continuer à exercer ou à diriger une société après une condamnation à une sanction ?

Maître FACCHINI Avocat expert en procédures collectives, vous répond dans cet article.

 
 

1. Les différents types de sanctions

 

1.1 Sanction n°1 : l’interdiction de gérer

L’Article L653-8 du Code de commerce énonce :
« Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

L’interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l’encontre de toute personne mentionnée à l’article L. 653-1 qui, de mauvaise foi, n’aura pas remis au mandataire judiciaire, à l’administrateur ou au liquidateur les renseignements qu’il est tenu de lui communiquer en application de l’article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d’ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l’obligation d’information prévue par le second alinéa de l’article L. 622-22.

Elle peut également être prononcée à l’encontre de toute personne mentionnée à l’article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation ».

Cette sanction frappe le dirigeant qui a :

  • A omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure collective dans les 45 jours de la cessation de paiements
  • A agit de mauvaise foi envers le mandataire judiciaire, ou le liquidateur et notamment n’a pas remis les documents dans les délais impartis
  • N’a pas informé le créancier poursuivant de l’ouverture d’une procédure judiciaire dans les dix jours
  • A commis certains actes passibles d’une sanction de mise en faillite personnelle
 

1.2 Sanction n°2 : la faillite personnelle

L’Article L653-8 du Code de commerce énonce :
« Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale, qui a commis l’une des fautes mentionnées à l’article L. 652-1. »

La faillite personnelle constitue une sanction plus lourde pouvant être prononcée à l’encontre du dirigeant.

Son champ d’application est presque le même que celui de l’interdiction de gérer.

Les juges peuvent donc choisir de prononcer une interdiction de gérer au lieu d’une faillite personnelle.

La faillite personnelle peut concerner le dirigeant qui a :

  • Disposé des biens de la société comme de ses biens propres,
  • Utilisé les biens ou le crédit de la société de façon contraire à son intérêt,
  • Réalisé des actes de commerce dans un intérêt personnel,
  • Poursuivi abusivement et dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire,
  • Détourné / dissimulé des actifs ou frauduleusement augmenté le passif de la société,
  • Exercé une activité malgré une interdiction,
  • Effectué des achats pour les revendre en-dessous du cours afin d’éviter/retarder l’ouverture d’une procédure,
  • Employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds pour retarder l’ouverture d’une procédure,
  • Souscrit des engagements trop importants au détriment de l’entreprise ou de sa situation,
  • Fait disparaître des documents comptables,
  • Ne pas avoir tenu de comptabilité ou avoir tenu une comptabilité fictive, incomplète ou irrégulière,
  • Fait obstacle au bon déroulement d’une procédure,
  • Payé un créancier au préjudice des autres malgré un état de cessation des paiements connu.

La durée maximale d’une faillite personnelle est de 15 ans

 

1.3 Sanction n°3 : la responsabilité pour insuffisance d’actif

L’Article L651-2 du Code de commerce énonce :
« Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.

Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée.

Lorsque la liquidation judiciaire concerne une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou, le cas échéant, par le code civil applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et non assujettie à l’impôt sur les sociétés dans les conditions prévues au 1 bis de l’article 206 du code général des impôts, le tribunal apprécie l’existence d’une faute de gestion au regard de la qualité de bénévole du dirigeant.

Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l’activité d’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l’insuffisance d’actif. La somme mise à sa charge s’impute sur son patrimoine non affecté.

Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à l’égard d’un entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V du présent code, le tribunal peut également, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l’insuffisance d’actif. La somme mise à sa charge s’impute sur son patrimoine personnel.

L’action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

Les sommes versées par les dirigeants ou l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur.

Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers.

Les dirigeants ou l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés. »

Cette sanction vise le dirigeant qui a commis des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société.

Il s’agit d’une demande de contribution.

C’est pour cela que l’on parle d’action en comblement de passif : le dirigeant doit alors supporter tout ou partie des dettes sociales.

L’argent réintègre le patrimoine de la société et il sert à rembourser les créanciers.

Pour que l’action en comblement de passif soit prononcée, il faut toutefois prouver le lien de cause à effet entre insuffisance d’actif et les fautes de gestion commises.

A noter que cette action en justice ne peut être demandée que par :

  • Le liquidateur,
  • Le Ministère Public,
  • Ou la majorité des créances nommés contrôleurs (en cas d’inaction du liquidateur).
 

1.4 Sanction N°4 : la banqueroute

L’Article L654-2 du Code de commerce énonce :
« En cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l’article L. 654-1 contre lesquelles a été relevé l’un des faits ci-après :

1° Avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, soit fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

2° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif du débiteur ;

3° Avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur ;

4° Avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l’entreprise ou de la personne morale ou s’être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation ;

5° Avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales. »

La banqueroute sanctionne les cas graves, dont certains composent la faillite personnelle.

Elle constitue une sanction pénale.

Le dirigeant encourt une peine d’emprisonnement de 5 années ainsi qu’une amende de 75 000 euros.

Elle concerne les dirigeants qui, en cas d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ont :

  • Fait des achats en vue d’une revente en-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds, afin d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure ;
  • Détourné ou dissimilé tout ou partie de l’actif de la société ou frauduleusement augmenté son passif,
  • Fait disparaître des documents comptables, tenu une comptabilité fictive, incomplète, irrégulière ou qui n’ont pas tenu de comptabilité.
 
 

2. La défense du dirigeant assigné en sanction

 

2.1 Responsabilité pour insuffisance d’actif ou simple négligence

La responsabilité des dirigeants peut être recherchée sur le fondement de l’insuffisance d’actif.

En effet, l’article L651-2 du Code de commerce permet de faire supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif au dirigeant de droit ou de fait de la personne morale, si ce dernier a commis une faute de gestion.

Cette faute, qui doit être démontrée et dont le lien de causalité avec le préjudice doit être rapporté, ne doit pas être confondue avec la simple négligence du dirigeant.

A ce titre, nombre de dirigeants ont tenté de faire valoir qu’ils n’avaient pas eu un comportement fautif, mais qu’ils avaient été simplement négligents dans la gestion de leur entreprise et qu’ils ne pouvaient donc pas voir leur responsabilité engagée.

La frontière entre faute de gestion et négligence est particulièrement fine.

La Cour de cassation relève que la simple négligence, qui permet de faire obstacle à l’action du liquidateur, ne peut être réduite à la seule situation dans laquelle le dirigeant a pu ignorer les circonstances ou la situation ayant entouré sa commission.

Autrement dit, le dirigeant qui a omis de déposer le bilan peut savoir que sa société est en état de cessation des paiements mais être tout de même qualifié de simple dirigeant négligent et échapper ainsi à toute condamnation.

En pratique, c’est très certainement la bonne foi du dirigeant qui permettra de distinguer faute de gestion et simple négligence.

 

2.2 Eviter l’interdiction de gérer

Le dirigeant dont la société fait l’objet d’une procédure de redressement ou liquidation judiciaire est susceptible, en cas de faute de gestion, d’être interdit de gérer.

La simple absence de communication des renseignements demandés au mandataire judiciaire ou le défaut de déclaration de la cessation des paiements dans le délai de 45 jours peuvent caractériser une faute de gestion.

Il fait alors l’objet d’une inscription sur le fichier national des interdits de gérer tenu par les greffiers des tribunaux de commerce, accessible éventuellement aux établissements bancaires.

Le Code de commerce encadre cette interdiction aux articles L653-1 à L653-11.

Deux situations doivent être distinguées : les difficultés liées à la « malchance », ou à la prise de mauvaises décisions par le chef d’entreprise dans ce cas le dirigeant aura la possibilité de continuer son activité, et les difficultés liées à la malhonnêteté de l’entrepreneur, lequel sera sanctionné.

Depuis la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, le juge ne peut prononcer une interdiction de gérer de plus de 15 ans.

Un dirigeant peut récupérer son autorisation de gérer une entreprise :

  • Lorsque l’interdiction de gérer arrive à son terme ;
  • Lorsque le jugement clôture la procédure collective pour « extinction du passif » ;
  • Lorsqu’il obtient un relevé de déchéance du tribunal qui l’a condamné.

Vous avez en effet un recours contre une décision prononçant contre vous une interdiction de gérer.

Attention, si vous ne faîtes aucun recours la violation de l’interdiction de gérer est lourdement sanctionnée.

Le dirigeant encourt ainsi une peine de 2 ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende.

 

2.3 Le recours auprès du tribunal à la demande du dirigeant

Le dirigeant a la possibilité de demander au tribunal de mettre fin à l’interdiction de gérer.

Le Tribunal répondra favorablement à la demande du dirigeant :

  • S’il a apporté au paiement du passif une contribution jugée suffisante par le tribunal.
    En d’autres termes, au plus tard lors du dépôt de sa requête aux fins d’être relevé de son interdiction de gérer, il doit payer au liquidateur judiciaire une somme que le tribunal appréciera comme étant suffisante ou non.
    Selon les cas, il peut s’agir du montant du super privilège des salaires versés par l’AGS, ou du passif privilégié, voire de l’intégralité du passif.
    La somme à verser dépend du motif de la condamnation initiale dont le dirigeant veut être relevé.
    Par exemple, si le dirigeant a été condamné en raison d’un dépôt tardif de la déclaration de cessation des paiements, il devra rembourser le passif apparu au cours de la période de poursuite d’activité excessive.
    Si l’interdiction de gérer fait suite à des détournements opérés dans son intérêt personnel, le dirigeant devra rendre les sommes concernées avant de présenter sa requête ;
  • Ou, s’il présente toutes les garanties démontrant sa capacité à diriger ou contrôler une entreprise ou une personne morale (exemple : réalisation d’une formation professionnelle dans le domaine de la gestion d’une entreprise).

La requête doit être présentée devant le tribunal qui a prononcé cette sanction avec en pièce annexe les garanties démontrant sa capacité à diriger ou à contrôler l’une des entreprises visées par l’interdiction.

Le relèvement est d’autant plus facile à obtenir que la durée de l’interdiction est courte, autrement dit que les fautes reprochées sont légères.

Mais le dirigeant doit malgré tout avoir exécuté une part significative de la sanction.

Le relèvement peut être total ou partiel.

Le cabinet FACCHINI Avocat accompagne les dirigeants dans la défense de leurs intérêts lors d’une procédure de liquidation judiciaire.

N’hésitez pas à nous contacter.