Prepack cession : cession accélérée d’une entreprise en difficulté

Lorsqu’une entreprise traverse une période de turbulence financière, il est souvent trop tard pour réagir une fois que la cessation des paiements est avérée.
Pourtant, il existe une procédure efficace pour vendre son entreprise avant le dépôt de bilan et éviter la liquidation judiciaire :
Le prepack cession, également appelé cession préparée.
Ce dispositif hybride, à la croisée des procédures amiables et des procédures collectives, permet de sauver ce qui peut l’être, dans des conditions juridiquement sécurisées.
Sommaire
I – Qu’est-ce que le prepack cession ?
Le prepack cession est une procédure préventive qui permet de préparer la cession d’une entreprise ou d’une branche d’activité avant l’ouverture d’une sauvegarde ou d’un redressement judiciaire.
Il ne s’agit pas d’une procédure autonome, mais d’une mission spéciale confiée au conciliateur ou au mandataire ad hoc.
Inspiré de la pratique anglo-saxonne, le mécanisme a été introduit en droit français par l’ordonnance du 12 mars 2014 (ord. n° 2014-326), et codifié à l’article L. 611-7 du Code de commerce.
Il permet, à la demande du chef d’entreprise, de rechercher en amont un repreneur et de préparer les modalités de la cession, qui sera ensuite présentée au tribunal immédiatement après l’ouverture de la procédure collective.
Cette anticipation permet une reprise rapide, efficace, et protectrice pour l’activité et les salariés.
Une base juridique claire : article L. 611-7 du Code de commerce
Le texte prévoit que :
« Le président du tribunal peut, à la demande du débiteur, confier au mandataire désigné dans le cadre d’une procédure de conciliation ou d’un mandat ad hoc une mission tendant à organiser la cession partielle ou totale de l’entreprise. »
Ainsi, le conciliateur peut établir un diagnostic, rechercher un repreneur, recevoir des offres, et déposer un projet de cession au greffe du tribunal, sous pli scellé.
Ce projet ne sera examiné qu’en cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de sauvegarde.
Une procédure en deux temps : entre confidentialité et homologation judiciaire
Le prepack cession repose sur une articulation subtile entre deux phases successives :
- Une phase amiable et confidentielle, destinée à organiser la reprise sans publicité ni pression ;
- Suivie d’une phase judiciaire, permettant de sécuriser la cession dans le cadre protecteur d’une procédure collective.
Ce déroulement en deux temps permet de concilier efficacité économique et garanties légales.
II – La phase amiable : préparation de la cession en toute discrétion
1) Saisine du président du tribunal pour ouvrir une procédure amiable
Le dirigeant de l’entreprise, conscient de ses difficultés mais désireux d’agir en amont, sollicite l’ouverture d’une procédure de conciliation (ou de mandat ad hoc si l’entreprise n’est pas en état de cessation des paiements).
Cette saisine est volontaire et confidentielle.
Conditions :
- Conciliation : réservée aux entreprises en difficulté avérée, mais non encore en cessation des paiements depuis plus de 45 jours (C. com., art. L. 611-4).
- Mandat ad hoc : ouvert à toute entreprise sur simple demande, sans condition de cessation des paiements.
2) Désignation d’un conciliateur avec mission de prépack cession
Le président du tribunal désigne un conciliateur (souvent un administrateur judiciaire) avec une mission spéciale prévue par l’ article L. 611-7 du Code de commerce : organiser en amont la cession partielle ou totale de l’entreprise.
Le conciliateur dispose d’un mandat pour :
- Analyser la situation financière et opérationnelle de l’entreprise ;
- Identifier un ou plusieurs repreneurs ;
- Négocier les termes d’une offre de reprise solide (périmètre, prix, sauvegarde de l’emploi, sort des contrats, etc.) ;
- Collecter une ou plusieurs offres de reprise, idéalement concurrentes.
3) Préparation d’un dossier complet de cession
Ce dossier contient notamment :
- Une présentation de l’entreprise et de son passif ;
- Le périmètre des actifs et contrats concernés ;
- Les engagements du repreneur (montant de l’offre, plan de reprise de salariés, continuation des contrats) ;
- Les éventuelles garanties financières apportées par l’acquéreur.
Le conciliateur veille à la loyauté du processus, en informant les instances représentatives du personnel, et, si possible, en sollicitant plusieurs offres concurrentes.
4) Dépôt de l’offre au greffe du tribunal
L’offre retenue est transmise sous pli scellé au greffe du tribunal, à titre préventif, en attendant l’ouverture de la procédure collective.
Ce pli n’est ouvert que si le tribunal est saisi par la suite d’une demande de redressement judiciaire ou de sauvegarde.
III – La phase judiciaire : validation et exécution de la cession
1) Ouverture d’une procédure collective
Lorsque la situation ne peut plus être traitée uniquement par voie amiable (aggravation des dettes, refus de certains créanciers, échec de négociation…), l’entreprise saisit le tribunal pour demander :
- l’ouverture d’une procédure de sauvegarde (si elle n’est pas en cessation des paiements), ou
- l’ouverture d’un redressement judiciaire (si elle l’est).
Le tribunal vérifie les conditions légales d’ouverture et désigne :
- un administrateur judiciaire,
- un mandataire judiciaire aux créanciers,
- et éventuellement un juge-commissaire.
2) Révélation de l’offre préparée et examen par le tribunal
Le pli scellé est ouvert. Le tribunal prend connaissance de l’offre déjà négociée et de ses conditions.
Il convoque les parties pour une audience d’examen, à laquelle participent :
- Le ministère public,
- Le représentant des salariés,
- L’administrateur judiciaire,
- Le mandataire judiciaire,
- Les repreneurs le cas échéant.
Si d’autres offres spontanées émergent dans les jours suivant l’ouverture (notamment grâce à une publication au BODACC), elles peuvent être comparées à l’offre préparée.
Le tribunal apprécie les offres selon plusieurs critères (C. com., art. L. 642-1 à L. 642-4) :
- La capacité de l’acquéreur à maintenir l’activité,
- Les garanties apportées,
- La sauvegarde de l’emploi,
- Et le désintéressement des créanciers.
3) Jugement arrêtant la cession
Après débat, le tribunal rend une ordonnance arrêtant la cession, qui officialise la transmission de l’activité à l’acquéreur.
Ce jugement :
- Opère la purge des dettes, conformément au droit des procédures collectives ;
- Transfère les contrats et les actifs au repreneur, libérés des sûretés (sauf exceptions) ;
- Assure la poursuite des contrats de travail pour les salariés inclus dans le périmètre de reprise (application automatique de l’article L. 1224-1 du Code du travail).
La cession est alors effective, rapide, juridiquement encadrée, et opposable à tous.
IV – Quels sont les avantages du prepack cession ?
Le succès du prepack cession repose sur plusieurs atouts :
- Anticipation et rapidité :
La cession est prête dès le jour d’ouverture de la procédure. Aucun temps n’est perdu.
- Confidentialité :
La phase de préparation se déroule dans un cadre amiable et confidentiel, ce qui évite la panique des partenaires.
- Valorisation maximale de l’entreprise :
En évitant la publicité d’une procédure judiciaire prolongée, l’entreprise préserve sa valeur économique.
- Sécurisation juridique :
La cession est homologuée par le tribunal, dans un cadre protecteur, assurant la purge des dettes.
- Sauvegarde de l’emploi :
Les salariés repris bénéficient de la continuité des contrats de travail prévue par l’article L. 1224-1 du Code du travail.
En choisissant un prepack cession, le dirigeant évite une liquidation judiciaire brutale, tout en préservant les actifs, l’activité et les emplois.
C’est une procédure de cession d’entreprise en difficulté bien plus rapide qu’une cession classique dans le cadre d’un redressement judiciaire.
V – Quels sont les limites d’un prepack cession ?
Malgré ses atouts, le prepack cession présente aussi des risques et des contraintes :
- Il suppose l’adhésion du dirigeant à une logique de cession.
Ce dernier doit être prêt à se dessaisir.
- Les créanciers ne sont pas consultés pendant la conciliation, ce qui peut engendrer des frustrations lors de la procédure collective.
- La cession préparée ne peut pas être imposée au tribunal, qui conserve toute liberté d’accepter ou non le plan présenté.
- Il faut garantir l’égalité entre les repreneurs potentiels, pour éviter toute accusation de favoritisme ou de fraude.
VI – Un outil juridique d’avenir pour les chefs d’entreprise
Le prepack cession est aujourd’hui un outil moderne, souple et efficace, qui permet de réagir avant que la situation ne devienne irréversible.
Il est à privilégier dès les premiers signes de fragilité, en lien avec un avocat et un administrateur judiciaire.
Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas une liquidation masquée, mais bien un mode de transmission réfléchi, validé par le juge, et qui peut sauver l’essentiel.
Il faut retenir qu’il s’agit :
- Dispositif hybride entre procédure amiable et collective
- Préparation confidentielle d’une cession, validée ensuite par le tribunal
- Anticipation essentielle pour garantir la survie de l’entreprise
- Sécurisation de la reprise pour les salariés et les repreneurs
VII – Quelle est la différence entre un prepack cession et un prepack plan ?
Bien que ces deux dispositifs soient préparés en amont d’une procédure collective, ils répondent à des logiques différentes :
- Le prepack cession vise à organiser la reprise partielle ou totale de l’entreprise (ou d’une branche d’activité) par un tiers.
Il aboutit généralement à la vente des actifs et à la disparition de la société d’origine. - Le prepack plan, en revanche, a pour objectif de négocier un plan de restructuration financière (souvent un échelonnement ou un abandon partiel des dettes) avec les créanciers, qui sera ensuite homologué rapidement dès l’ouverture de la procédure collective.
Les deux sont fondés sur une phase préparatoire confidentielle, mais ne poursuivent pas les mêmes objectifs stratégiques.
Tableau comparatif entre prepack cession et prepack plan :
Critère | Prepack cession | Prepack plan |
---|---|---|
Finalité | Reprise partielle ou totale de l’entreprise par un tiers | Sauvegarde de l’entreprise via restructuration interne |
Résultat | Vente des actifs, souvent disparition de l’ancienne entité (old co) | Maintien de l’entreprise avec apurement ou rééchelonnement du passif |
Condition préalable | N/A | Doit faire suite à une conciliation échouée ou sans accord unanime |
Procédures utilisées | Mandat ad hoc ou conciliation, suivie d’une sauvegarde ou d’un redressement | Conciliation, puis sauvegarde accélérée ou redressement avec plan |
Phase 1 (amiable) | Préparation confidentielle d’un projet de cession avec recherche de repreneurs | Négociation d’un plan avec les créanciers principaux dans un cadre confidentiel |
Phase 2 (judiciaire) | Ouverture d’une procédure collective avec dépôt du projet de cession au tribunal | Présentation du plan aux créanciers, vote par classes, puis homologation judiciaire |
Publicité et concurrence | Publicité "suffisante" exigée mais souvent limitée ; concurrence souhaitée | Information formelle des créanciers ; vote structuré obligatoire selon la loi |
Rôle du tribunal | Vérifie la transparence du processus, examine les offres et arrête la cession | Valide le plan proposé, peut imposer un cram-down en cas de désaccord partiel |
Nouveaux financements | Peu de mécanismes spécifiques de protection | "New money" protégé sous certaines conditions (priorité de remboursement, etc.) |
Durée moyenne | Phase amiable : 1 à 3 mois Phase judiciaire : quelques semaines | Conciliation : jusqu’à 5 mois Procédure accélérée : 2 à 4 mois |
Avantages | Rapidité, confidentialité, cession “dettes purgées”, maintien d’emplois | Maintien de l’entreprise, réorganisation durable, outils coercitifs sur les créanciers |
Limites / Risques | Risque de favoritisme, transparence discutée, cession irréversible | Délais parfois plus longs, dépendance au soutien des créanciers, complexité juridique |
Sort de la société initiale | Souvent absorbée ou liquidée après cession | L’entité d’origine survit avec un plan de continuité |
Consultation du personnel | Consultation du CSE recommandée mais pas toujours obligatoire | Consultation obligatoire des représentants du personnel dès la phase de conciliation |
FAQ – Prepack cession
Mon entreprise est en difficulté, mais je ne veux pas attendre la faillite. Est-ce que le prepack peut m’aider ?
Oui.
Le prepack cession est justement conçu pour agir avant qu’il ne soit trop tard.
Il permet de préparer une reprise de votre activité dans un cadre confidentiel, tout en évitant une liquidation brutale.
C’est un outil d’anticipation, pas une sanction.
Je ne suis pas encore en cessation des paiements, puis-je en bénéficier ?
Tout à fait.
Le prepack cession s’organise avant l’ouverture d’une procédure collective, souvent dans le cadre d’une conciliation (si vous êtes en difficulté sans être en cessation de paiement depuis plus de 45 jours).
Plus vous anticipez, plus vous avez de chances de préserver votre entreprise.
Qui pilote la recherche de repreneurs ? Dois-je le faire moi-même ?
Non.
Le tribunal désigne un professionnel – un conciliateur ou un mandataire ad hoc, souvent un administrateur judiciaire – qui se charge de structurer les recherches de repreneurs, d’organiser les audits, et de recueillir les offres.
Vous restez associé au processus, mais vous n’êtes pas seul.
Et si je veux transmettre à un proche ou à un salarié ? Est-ce possible ?
C’est envisageable, mais très encadré.
Toute offre de reprise doit être sérieuse, documentée, loyale et ouverte à la concurrence, même si elle émane d’un proche.
Le tribunal vérifiera que cela ne cache pas une fraude ou une reprise “de façade”.
Dois-je prévenir mes créanciers ou mes salariés pendant la préparation ?
Non, la phase de préparation est confidentielle.
Seules certaines personnes, comme le représentant du personnel (CSE), peuvent être consultées par le conciliateur.
Les créanciers seront informés lors de l’ouverture du redressement judiciaire, et pourront s’exprimer à ce moment-là.
Mon entreprise a des dettes importantes. Un repreneur va-t-il devoir tout payer ?
Non.
Dans le cadre du prepack, le repreneur ne reprend que les actifs et les contrats qu’il choisit.
Les dettes antérieures restent à la charge de la procédure collective (redressement ou liquidation).
Le tribunal s’assure simplement que l’offre est équilibrée et qu’elle préserve les intérêts des créanciers.
Combien de temps dure une procédure de prepack cession ?
En général :
- La phase de conciliation dure 1 à 3 mois maximum ;
- La cession est validée par le tribunal quelques jours ou semaines après l’ouverture du redressement judiciaire.
Cela permet d’éviter les longues procédures de cession classiques, qui peuvent s’étaler sur 6 mois ou plus.
Vais-je perdre ma société ?
Pas forcément.
Dans certains cas, vous pouvez rester mandataire social (gérant ou président), si le repreneur le souhaite et que cela sert la continuité de l’activité.
Toutefois, si vous cédez 100 % de votre entreprise, vous n’en serez plus propriétaire.
Quel est le coût du prepack cession ?
Il faut prévoir :
- Des honoraires pour le conciliateur, fixés en accord avec le tribunal,
- Des frais d’accompagnement juridique, si vous êtes assisté d’un avocat,
- Et éventuellement des frais d’audit ou de conseil (expert-comptable, évaluateur…).
Mais ces coûts sont largement compensés si cela permet d’éviter une liquidation et de sauvegarder des emplois, des actifs et votre image.
À quel moment dois-je envisager un prepack ?
Dès que :
- Vous constatez un déclin d’activité,
- Vous avez du mal à rembourser vos dettes fournisseurs,
- Ou que vous recevez des courriers d’huissier ou des mises en demeure.
Ne laissez pas la situation s’aggraver :
Plus vous anticipez, plus le prepack peut fonctionner comme un outil de rebond plutôt qu’une sortie de route.
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